La slow logistique : oui, c’est possible !
Tous les communiqués de presseComme toute notre profession, cela fait 30 ans que nous développons des organisations logistique et transport capables de livrer plus vite… demain matin voire le jour même ! Tous les acteurs de notre secteur se sont engagés dans cette course effrénée, poussés par des clients soucieux de s’ajuster à ce qui est devenu un standard concurrentiel fort. Une réalité d’autant plus palpable en cette période de fin d’année, et bientôt de soldes… Alors vouloir changer de paradigme, c’est encore, pour beaucoup, comme croire au Père Noël !
Massifier les commandes pour aller à contre-courant et enfin retrouver le bon sens !
Bien évidemment, nous devrons toujours être capables de livrer rapidement des produits critiques ou pour lesquels nous avons un besoin immédiat. Toutefois, à l’heure où tout le monde est d’accord pour dire que « la machine monde » s’emballe, que penser de se faire livrer demain matin le livre que vous ne lirez que la semaine prochaine (et que par ailleurs vous auriez pu acheter chez votre libraire) ?
Alors que le e-commerce ne représente aujourd’hui que 10% des ventes du retail en France (Fevad 2024) et que nos rues sont régulièrement saturées de véhicules de livraison, comment ferons-nous le jour cette proportion dépassera les 50% ?
L’enjeu pour notre filière est donc de taille car il n’est ni souhaitable, ni envisageable que nos schémas logistiques restent inchangés. C’est pour cette raison que nous avons lancé en 2020 ce mouvement de « slow logistique ». Nous avons les cartes en mains, il nous appartient d’agir.
Un certain nombre d’initiatives et d’expérimentations ont d’ores et déjà vu le jour, notamment celles qui cherchent à pousser l’essentiel des flux en périphérie des villes. Paris et d’autres grandes métropoles interdisent désormais les centres villes à certains types de véhicules de livraison. Un jour viendra où l’accès à nos villes sur le modèle actuel sera totalement interdit, accélérant la création de hubs ou villages logistiques en périphérie vers lesquels les flux massifiés seront orientés. Le principe : un premier transporteur livre avec un gros camion rempli plutôt que plusieurs petits à moitié vides dans ces hubs de commandes massifiées. Puis un second transporteur livre, par exemple, en une fois, les commandes hebdomadaires de toute une rue. Des expériences similaires sont déjà en place depuis plusieurs années dans quelques villes comme Grenoble et illustrent parfaitement ce qu’est la slow logistique : des flux massifiés et ralentis pour livrer mieux.
Des « slowlutions » à double impact
En réalité, cet avenir souhaitable est déjà en marche dans certains secteurs de la logistique comme l’industrie. En effet, nous proposons simplement de s’appuyer sur de vieilles recettes utilisées depuis longtemps comme le regroupement de commandes, les départs à date ou la tournée du laitier, mais avec un autre angle de vue.
D’ailleurs, les résultats sont là pour démontrer le bénéfice de cette démarche. Comme nos travaux avec l’entreprise Spit (fabricant français de solutions de fixation et outils à destination principale des professionnels du bâtiment) qui travaille avec la plupart des grandes plateformes de distribution spécialisée, et qui a vu son impact CO2 chuter de 52 % et son coût par kilo de 62 % en procédant à des livraisons massifiées une fois par semaine.
Ici, la massification des flux donne toute sa mesure…
Mais la slow logistique va au-delà d’un simple ralentissement des flux et s’attèle à repenser une chaîne logistique plus responsable qu’il s’agisse d’emballage, de décarbonation ou d’épanouissement des équipes.
Reste que ce qui fonctionne avec l’industrie et le BtoB doit maintenant devenir une réalité voire une évidence pour le BtoC. Pour ce faire, il faut donner la possibilité au consommateur, à l’internaute pour le e-commerce, de choisir un mode de livraison “slow”. Le site e-shop peut ainsi lui proposer d’allonger de quelques jours la durée de sa livraison pour permettre de massifier les flux et de réduire son impact carbone.
Bien sûr, la transformation ne se décrète pas et le chemin est encore long. Comme tout changement de paradigme, au début ça fait sourire, puis ça fait peur pour finalement apparaitre comme du bon sens. Gageons que la slow logistique deviendra bientôt une évidence pour tous les acteurs du marché. Si les obstacles restent nombreux, la consommation frénétique de cette période de fêtes nous rappelle qu’il est sans doute le moment d’oser le contre-courant pour enfin retrouver le bon sens.
Le monde s’emballe et il est temps de l’envisager différemment. La slow logistique est une réponse pertinente et à portée de main. Pour celui qui livre comme pour celui qui est livré.
Fabien Jouvet.
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